harcélement sexuel

Publié le par katy31

 
 
           


QUESTIONS A LYSIE RIBOT, MEMBRE DE LA «SEX DISCRIMINATION DIVISION»
«Par peur, les victimes de harcèlement sexuel ne portent pas plainte»


Les cas de harcèlement sexuel sont le plus souvent répertoriés sur les lieux de travail. Et ce ne sont pas seulement les femmes qui en sont les victimes. Pourtant, par peur des représailles ou par honte, ces dernières préfèrent souvent se taire.

Une vingtaine de cas de harcèlement sexuel a été rapportée à la police depuis janvier 2005. Ce chiffre reflète-t-il la réalité ?

Pas du tout ! Il est vrai aussi que certaines personnes viennent directement vers nous. Mais il n’empêche que les gens ne rapportent pas vraiment les cas de harcèlement sexuel. Même s’il y a eu une évolution par rapport à 2003, quand la Sex Discrimination Division (SDD) est entrée en opération.


Et pourquoi cela ?

Principalement parce qu’elles ont peur des représailles ou de perdre leur emploi. Car dans trois quarts des cas de harcèlement, le «harceleur» se trouve en position de force. Il s’agit soit d’un patron, d’un superviseur ou même d’un employé qui a davantage d’ancienneté. La victime, elle, a la plupart du temps moins de 40 ans.


Cette peur est-elle justifiée ?

La loi protège les victimes de harcèlement. Le Sex Discrimination Act 2002 stipule clairement que l’on ne peut pas victimiser une personne qui porte plainte, ni une personne qui donne des informations ou des documents à la SDD. On ne peut pas non plus s’en prendre à un témoin dans une affaire de harcèlement.


Les plaintes sont-elles fréquemment référées au Directeur des poursuites publiques (DPP)?

Pas vraiment.


Pourquoi cela ? N’y a-t-il pas matière à poursuites ?

C’est tout simplement parce que le but principal de la SDD est d’arriver à une conciliation. En général, ceux qui sont accusés de harcèlement présentent des excuses et promettent de ne pas recommencer. Ils disent souvent que c’était une plaisanterie. Qu’ils ne savaient pas que l’autre n’était pas d’accord. Nous référons le cas au DPP uniquement dans des cas de harcèlement où l’accusé ne veut pas reconnaître ses torts.


Pourquoi favoriser la conciliation aux poursuites ?

Tout simplement parce que ces personnes sont appelées à travailler ensemble par la suite.


Les femmes sont-elles les seules à être victimes de harcèlement ?

Elles sont en effet les victimes par excellence mais ne sont pas les seules. A la SDD, nous avons eu quelques cas d’hommes venus porter plainte. Je suis certaine qu’ils sont nombreux à ne pas oser le faire. L’homme aussi a peur. Honte aussi. Il craint d’être la risée de ses amis et de ses collègues. Nous avons déjà eu un cas où ses amis lui avaient demandé s’il était un «vrai homme». Ils lui avaient dit qu’il avait de la chance et qu’il devait en profiter.


Si l’affaire a été référée à la police ou à la SDD, il y aura enquête. Mais si l’employé n’en a parlé qu’à son employeur, que se passe-t-il ?

Dans trois quarts des cas, les employés nous disent avoir attiré l’attention de leur employeur mais que celui-ci a ignoré leur plainte. Il y a aussi les cas où, quand nous allons vers les patrons, ils nous disent avoir déjà institué un comité disciplinaire et dans certains cas mêmes, avoir déjà pris des sanctions. Ils ont donné un avertissement et parfois renvoyé le «harceleur».


Avez-vous aussi rencontré des cas de fabulation ?

Il y a effectivement des cas où des femmes inventent une histoire pour se venger.


Comment alors distinguer le vrai du faux ?

La chronologie des événements est une indication. Si la plainte arrive après qu’un employé n’a pas eu de promotion ou a été renvoyé pour incompétence ou absence répétée, il est possible que cela soit une vengeance.


«Pour délimiter
plaisanterie du
harcèlement, on peut procéder
à un test tout simple :
c’est de se demander si on
aurait apprécié que l’on
fasse la même chose à un
de nos proches.»



Comment alors prouver qu’il y a bien eu harcèlement sexuel ?

A moins de SMS ou d’e-mail qui laissent des traces écrites, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre. Dans ces cas-là, nous nous basons, entre autres, sur le «body language» du présumé coupable lorsque nous le convoquons. Un coupable n’est jamais à l’aise. Et puis, dans certains cas, la personne est un récidiviste. Il l’a déjà fait à une autre femme dans le bureau. Celle qui porte plainte nous refile alors le nom d’autres femmes que nous contactons pour corroborer son passé de «harceleur».


Le harcèlement sexuel est-il plus courant dans un lieu particulier ?

A Maurice, la plupart des cas de harcèlement sexuel sont répertoriés sur le lieu de travail alors que dans certains pays, les «harceleurs» sévissent davantage dans les autobus. Au Mexique, ils se proposent même de faire un transport en commun séparé pour les hommes et les femmes.


Comment les entreprises gèrent-elles le harcèlement sexuel ?

Les entreprises privées sont très bien organisées. La loi stipule que l’employeur a sa part de responsabilité. Qu’il doit mettre sur pied des programmes de prévention. La plupart des grosses boites ont institué une «anti harassment and discrimination policy». La SDD a beaucoup travaillé en ce sens avec la Mauritius Employers Federation. Les patrons sont en général très heureux qu’il y ait ce genre de loi, car eux aussi veulent que le lieu de travail reste un lieu propre.


Y a-t-il des secteurs où le harcèlement est plus fréquent ?

Surtout là où il y un «shift system». Dans les bureaux, les usines ou les hôtels. Quand les employés rentrent chez eux par le transport du bureau…


Comment la loi définit-elle le harcèlement sexuel ?

Est considérée comme harcèlement sexuel une conduite qui peut être vue comme offensante, humiliante et intimidante. Que ce soit par écrit, verbalement, moralement ou physiquement.


Des exemples ?

La plainte la plus commune est l’insistance à inviter quelqu’un à sortir. Viennent ensuite les e-mails, SMS et appels indécents, et aussi le fait d’apporter des magazines à caractère pornographique sur le lieu du travail. Mais il y a aussi le fait de regarder quelqu’un d’une certaine façon, de faire des commentaires à double sens ou des blagues déplacées, de proférer des insultes ou de faire des commentaires à connotation sexuelle. De dire à une femme «sa ene vie fi sa», c’est du harcèlement sexuel. Raconter sa vie privée ou poser des questions relatives à la vie privée de quelqu’un également. Tout comme la façon de s’habiller. Un homme peut se sentir harcelé parce qu’une de ses collègues porte des mini-jupes, et qu’elle croise et décroise les jambes devant lui toute la journée.

Il faut savoir que lorsqu’un homme harcèle une femme, une troisième personne qui est témoin de cette scène peut aussi porter plainte. Dans le cas où il y a consentement, et dans ce cas-là, même s’il n’y a pas harcèlement envers cette femme en particulier, une troisième personne témoin de ces scènes peut porter plainte.


Mais où se situe la limite ?

Pour délimiter la plaisanterie du harcèlement, on peut procéder à un test tout simple : c’est de se demander si on aurait apprécié que l’on fasse la même chose à un de nos proches.


Quid des sanctions ?

Toute personne qui enfreint le Sex Discrimination Act 2002 est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 ou d’une période d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. (NdlR : Le Sex Discrimination Division est jo
ignable sur le 213-1787/88)



Propos recueillis par
Valérie OLLA
 

Publié dans culture

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